Depuis les Lois de Finance pour 2019 et 2020, inspirées par l’étonnant
rapport du Député Genetet sur « la fiscalité de la mobilité », les Français de l’Étranger (« FDE ») sont l’objet d’un alourdissement confiscatoire et sans précédent, de l’imposition fiscale et sociale de
leurs revenus français, et de leur résidence française.
Suite à une première quasi-jacquerie des FDE suivies de mises en garde de la plupart des instances représentatives des FDE, mais pas de l’évanescente AFE (Assemblée des Français de l'Etranger), le gouvernement a reculé, en adoptant en Décembre 2019 un moratoire d'un an. Le Sénat a riposté en abrogeant par une Proposition de Loi du 19 Mai 2020 sur les FDE tout le dispositif fiscal et social voté en 2018 et 2019. Depuis son dépôt le 20 Mai 2020 sur le bureau de l’Assemblée Nationale, la majorité gouvernementale s’enferre dans le silence, l’opposition aussi, dans l’attente d’un rapport gouvernemental, finalement transmis en catimini le 31 Juillet dernier. Or ce rapport ne résout rien.
Car le dispositif proposé multiplie des discriminations, insoutenables dans une démocratie, car violant la Constitution comme l’État de Droit.
La COTAM est un impôt discriminant le FDE du Français résidant en France
Sur le plan social, leurs retraites Françaises sont soumises à la COTAM, une soi-disant « cotisation » d’assurance maladie maternité, invalidité et décès (art. L. 131-9 du code de la sécurité sociale), décidée en 2004 par l’UMP sous le gouvernement Raffarin. Ne donnant droit à aucune prestation, c’est donc un impôt, et non une cotisation, malgré les dénégations répétées du gouvernement. Mais ce régime est surtout singulièrement discriminatoire : la COTAM est de 1 % pour les retraités résidants en France, mais, pour les FDE, de 3,2% des retraites de base et 4,2% des retraites complémentaires (art. D 242-8).
Cette première discrimination a été jugée, étonnement, le 4 octobre 2019, par le Conseil constitutionnel comme conforme à la Constitution, avec la réserve abstruse suivante : les taux particuliers de cotisations sociales ne doivent pas « créer des ruptures caractérisées de l’égalité dans la participation des assurés sociaux au financement des régimes d’assurance maladie dont ils relèvent » (sic !). Comment cette institution, censée faire du droit et dernier rempart contre les violations des libertés publiques et de l’État de droit, peut encore soutenir que cette contorsion juridique respecte le principe constitutionnel de l’égalité de traitement face à l’impôt?
La CSG/CRDS sur les revenus français est une cotisation discriminant le FDE résident dans l’UE de celui résident hors l’UE
Les revenus français des FDE sont soumis depuis 2012 à un prélèvement de CSG/CRDS de 17,20%. Le 25 Janvier 2018, la Cour de Justice de l’Union Européenne a interdit ce prélèvement pour les ressortissants de l’UE résidants dans l’UE et la Suisse, mais l’a maintenu pour ceux qui vivent en dehors de l’UE, même s’ils sont soumis localement à un régime de cotisation sociale similaire. Comment peut-on sérieusement défendre une telle discrimination entre FDE résidents dans l’UE et la Suisse d’un côté et ceux résidents en dehors de l’autre ?
La retenue minimum à la source de l’impôt sur le revenu (« IR ») de 30% discrimine les FDE des Français vivant en France
Selon la loi de Finances 2019, le taux minimum d’IR est passé de 20 à 30% pour les revenus Français des FDE et ce, dès le premier Euro. Là aussi la violation du principe de l’égalité face à l’impôt est manifeste. Un FDE est taxé au premier euro à 30% alors qu’à revenu égal, le résident bénéficie de taux marginaux nettement moins élevés comme d’abattements : pour la tranche inférieure à €27.519 le taux moyen est de 8.9% pour un résident Français contre 30% pour un FDE, sans prendre en compte les déductions diverses !
Le dispositif proposé pour l‘impôt minimum de 30% sur l’IR est inacceptable, car en cumul avec la CSG il est confiscatoire, particulièrement pour les plus démunis, au point de rompre complètement l’égalité face à l’impôt
C’est un dispositif confiscatoire car il conduit à un prélèvement de CSG-CRDS de 17,20% pour les seuls FDE résidents hors de l’UE, auxquels s’ajoutent, pour tous les FDE résidents hors de France, la retenue à la source sur l’IR de 30% jusqu’à €38.214 de revenus et de 40% au-dessus … soit un prélèvement d’impôt sur le revenu total de 47,20% jusqu’à €38.214 de revenus et 57,20% au-dessus… totalement confiscatoire…sans pouvoir bénéficier d’aucune prestation sociale ou de solidarité nationale.
Pour la tranche inférieure à €38.214, comment peut-on la aussi justifier de taxer les FDE au premier euro sur tous les revenus d’origine française, à 47,2% pour l’IR/CSG/CRDS, contre un taux d’imposition moyen de 31,5% pour un Français résident en France, soit un écart d’imposition de 50%. Pour des revenus supérieurs à €38.214, taxés au-delà à 57,20%, l’équivalence de taux moyen entre un Français résident en France et un FDE est atteint pour un revenu de l’ordre de €250.000...
En d’autres termes, entre €38.214 et €250.000, le FDE est surtaxé sur ses revenus Français, et plus le revenu est faible, plus la sur-taxation est élevée. Alors qu’en sus l’IR/CSG/CRDS Français ne constituent pas un crédit d’impôt dans l’état actuel des conventions fiscales bilatérales, pouvant entrainer une taxation bilatérale à plus de 100%. Aucun pays de l’UE ne taxe ses nationaux non-résidents, autre que par une éventuelle faible retenue à la source définie par leurs conventions fiscales bilatérales.
Ce dispositif est discriminatoire et inopérant car il cherche à introduire en catimini l’IR et la CSG confiscatoires « à la nationalité », sans renégocier préalablement les conventions fiscales bilatérales
La réponse de l’administration aux FDE, révoltés, est alors de produire son « taux d’imposition mondial moyen » pour bénéficier de ce dernier s’il est inférieur au taux minimum. C’est déjà une discrimination qui perdure, dès lors que ce régime exclue de bénéficier de la plupart des abattements et déductions des charges applicables en France tout en multipliant les doubles impositions, dont sont exempts les contribuables résidents.
Ce dispositif est surtout inopérant. En effet, quel taux moyen produire en temps et en heure à partir d’une déclaration japonaise (en japonais !), de laquelle sont établies quatre rôles d’imposition séparés et échelonnés sur près de six mois et correspondants à quatre impôts : national, local, pour l’assurance maladie, pour les retraités, ou découlant d’une déclaration britannique annuelle au 5 avril. Le « taux moyen » est-il celui de l’impôt seul, ou de l’impôt et de la CSG-CRDS confondus ?
Comment, dans les pays où la sécurité sociale est financée par l’impôt, la quasi-totalité, peut-on identifier l’impôt sur le revenu d’un côté et la CSG-CRDS « à la Française » de l’autre, pour les affecter au calcul du taux moyen de l’impôt d’un côté, et de la CSG-CRDS de l’autre ?! Réciproquement l’administration étrangère ne délivre pas de certificat d’imposition constituant un crédit et distinguant impôt et CSG, car pour eux, la « CSG à la Française » est un impôt.
Une administration fiscale intrusive
Encore plus grotesque : l’administration fiscale exige une traduction de la déclaration fiscale et du reçu de paiement de l’impôt étrangers, ce qui peut coûter plusieurs milliers d’euros, alors que les concepts fiscaux, les méthodes de collectes, et les dates de recouvrement ne sont pas les mêmes. Dans le même temps, les caisses françaises s’abstiennent de répondre ou refusent de délivrer un certificat d’imposition à la CSG-CRDS permettant sa déduction de l’éventuelle CSG étrangère, quand la convention bilatérale l’autorise. Seul un travail de bénédictin, permet de l’identifier sans pour autant que ce calcul soit opposable. Ainsi, la CARSAT/CNAV prélève 4%, et non les 3,2% prévu par les textes, relevés bancaires à l’appui…
Cette tentative dévoile le projet conçu de longue date par l’administration, et béatement ânonné par LREM et l’AFE au nom de la « transparence », l’imposition mondiale à la nationalité et non plus « à la territorialité », pour copier la référence mondiale unique : les États-Unis. C’est oublier que dans ce pays, l’impôt mondial concerne l’IR mais pas la CSG (Payroll tax), l’impôt fédéral, mais pas ceux des états et municipalités, souvent supérieurs, réservés aux résidents, s’effectue après un abattement de $105.900 sur les revenus non américains et au taux marginal de 30% au-delà de $130.000, les impôts payés à l’étranger étant déductibles. Face à un système français brutalement confiscatoire, le système américain ne l’est pas.
On mesure ainsi l’absence de réflexion pratique, l’irresponsabilité, et même l’aveuglement idéologique des acteurs concernés.
A ce Kafka de l’Impôt sur le Revenu et de la CSG-CRDS, se surajoute le scandale de la discrimination des impôts locaux
Comment continuer à soutenir le principe d’égalité devant l’impôt alors que les nationaux des pays du Golfe, ne payent, contrairement aux Français, résidents ou non, aucun impôt sur leur patrimoine immobilier Français au titre de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (« IFI »), aucune taxe foncière comme d’habitation, cette dernière étant surtaxée depuis peu de 60%. L’administration fiscale refuse d’ailleurs de confirmer si ces taxes locales sont exonérées par un accord fiscal bilatéral secrètement conservé, ou par décision ministérielle furtive. Or ces dérogations exorbitantes bénéficient aux ménages parmi les 0,0001% les plus fortunés du monde.
Les FDE sont devenus l’otage d’un hold-up l’État Français sur la totalité des prélèvements sur leurs revenus au mépris des engagements internationaux de la France, violant ainsi l’État de droit.
En fait, le gouvernement comme le Législateur justifient leur projet funeste d’impôt et de CSG à la nationalité, maquillé sous l’élément de langage volontairement trompeur « d’Impôt Universel », parce qu’ils considèrent sans l’admettre, les FDE comme des « Sous-Français-Expatriés-Fiscaux». Ce faisant, ils menacent d’abord, par un véritable détournement de procédure, de capter la totalité de l’impôt dû dans le pays de résidence par une augmentation massive du prélèvement à la source en France, 30 voire 40%, alors que les conventions fiscales bilatérales le fixent habituellement entre 10 et 15%, les taux de 30%, et plus, étant réservés aux « paradis fiscaux ». De ce fait, il viole les traités fiscaux bilatéraux, et, en l’absence de leur renégociation, empêche l’IR et CSG Français de constituer un crédit déductible dans le pays de résidence.
Puis ils exercent un véritable chantage que permet le piège constitué par le mécanisme combiné du taux moyen et du taux minimum confiscatoire : dès lors que l’administration fiscale a eu connaissance des revenus non Français par le mécanisme du taux moyen, le piège est posé : rien ne s’oppose à une taxation complémentaire de ces revenus, retenus à la source sur les revenus Français ; puis il suffit d’augmenter encore les taux pour ainsi conduire directement à l’impôt sur la nationalité assis sur les revenus mondiaux quels que soient la résidence fiscale effective et sans aucune considération pour les impôts dus dans le pays de résidence.
Il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’un holdup de l’État Français, recordman du monde des prélèvements obligatoires et de la dépense publique, sur les recettes fiscales et sociales des autres pays, considérés de facto comme des paradis fiscaux, en jouant sur la ligne de moindre résistance politique et pratique, la grande difficulté des FDE à se mobiliser en raison de leur éparpillement ; ce faisant, elle les plaçent sciemment dans une situation inextricable, entre le marteau de l’administration fiscale Française et l’enclume de son homologue du pays de résidence. C’est déloyal, indigne et pervers, tout en constituant une violation de nos principes constitutionnels, et des engagements internationaux de la France.
Foutez la paix aux Français de l'Etranger
Pour paraphraser Georges Pompidou, « Foutez la paix aux FDE » : il y en a déjà trop peu pour représenter une France déclinante. Il faut au contraire les inciter à se délocaliser. Considérer les FDE comme des exilés fiscaux relève de la psychanalyse : les Français s’expatrient, soit pour travailler, soit pour bénéficier de conditions meilleures de fin de vie, la France étant trop chère. Même les fonctionnaires expatriés en activité bénéficient d’avantages discriminants.
N’assiste-t-on pas à une véritable démission de nos institutions face à une secte, dont l’idéologie redistributive étouffe ce pays ? Comment les parlementaires peuvent-ils permettre à un gouvernement en faillite, de passer en force, laisser à l’administration autant de pouvoirs d’appréciation, s’abstenir, fin 2019, de dénoncer ce dispositif discriminatoire au Conseil Constitutionnel, et accepter de renier la signature de la France sur ses engagements fiscaux bilatéraux ? Quelle République de forbans sommes-nous devenus ?
C’est le consentement même à l’impôt qui est ainsi fragilisé par les « effets de bord », autre élément de langage conçu pour travestir ces multiples discriminations et violations de l’Etat de Droit. Car le civisme fiscal ne passe pas par payer encore plus d’impôt, la thèse incongrue de
Madame Genetet, mais avant tout par réduire la dépense publique, et introduire la parcimonie. En le refusant, les élus contribuent, avant tout autre, à détruire le pacte républicain autour de l’impôt.
Source : https://lesfrancais.press/de-la-tyrannie-fiscale/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=LFP_Hebdo_-_Edition_125&utm_medium=email